Limoges et la lutte contre les incendies au tournant des XVIIIe et XIX siècles

À la fin du XVIIIe siècle, Limoges organisa sa première Compagnie de pompiers. Un registre conservé dans la sous-série 1 J (1 J 529) présente la chronologie des incendies qui se sont déclarés à Limoges de 1793 à 1818.

Les incendies à Limoges

Dès l’Antiquité et jusqu’au Moyen Âge, Limoges fut régulièrement frappée par les incendies, que leur origine soit accidentelle (sécheresse, négligence) ou non (guerres, sièges). Citons l’incendie de 763 déclenché par Pépin le Bref lors du siège de la ville, ou celui de 1244 qui décida les Consuls de Limoges à creuser une retenue d’eau supplémentaire près de l’étang de la fontaine d’Aigoulène (actuelle place de la Motte). Durant la période moderne et jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, celui du 6 septembre 1790 fut sans doute le plus terrible. Il ravagea durant 36 heures le quartier des Pousses, autour de l’actuelle rue Haute-Vienne (Couvent des Ursulines, des Oratoriens, salle du Jeu de Paume, salle de spectacle et près de 200 habitations), laissant dans le dénuement 4 à 5000 personnes. Le couvent des Oratoriens brûlait encore un mois et demi plus tard !

Création d’une compagnie de pompiers

Le document proposé débute peu après ce désastre. Devant l’impréparation des habitants face à un tel incendie et la faiblesse des moyens disponibles, les autorités municipales créent en 1793, après des années d’atermoiements, une Compagnie de pompiers. Deux hommes ayant fait leurs preuves à la tête des pompiers de Paris, avant d’en être chassés pour des raisons politiques sont appelés : Antoine Deville, ingénieur et inspecteur de la Compagnie, et Pierre Charles Chardon, commandant de la Compagnie. Cette création marque une réelle prise de conscience et un souci de prévention et de lutte contre les incendies. Jusqu’à présent, lorsque le tocsin retentissait, il fallait surtout compter sur les ordres mendiants, le clergé séculier et la solidarité entre les habitants qui avec des moyens inadaptés faisaient face au feu. Des mesures préventives avaient été adoptées comme l’utilisation de la pierre dans les constructions nouvelles ou le rejet de certaines activités professionnelles « à risques » hors des murs de la ville. Une fois l’incendie déclaré, un moyen efficace était d’abattre les constructions voisines avant que le feu ne les atteigne. Cette seule mesure entraîna des dégâts considérables (parfois la moitié des bâtiments détruits dans le sinistre).

Le premier souci de Deville fut d’organiser la compagnie, qui comprenait initialement 21 hommes et disposait de 4 dépôts de matériels répartis dans la ville (Préfecture, Mairie, Collège et Évêché) contenant en tout 5 pompes, 12 tonneaux (1500 l. chacun) et du matériel divers (seaux, haches, cordes, grappins).

Ces mesures n’évitèrent pas de nouvelles catastrophes ; ainsi, de 1793 à 1864, on a recensé 815 incendies et 5631 feux de cheminées. La période se clôt par un des plus violents incendies de l’époque moderne et contemporaine, celui du 15 août 1864. Un lumignon mal éteint produisit l’embrasement de 109 maisons dans le quartier des Arènes et autour des places d’Aine et de la Motte, mettant à la rue plus de 2000 personnes. À cette occasion on relève à l’égard des secours les mêmes critiques qu’en 1790 : effectifs trop faibles (pourtant portés à 80 hommes en 1864) au point qu’on appela en renfort les Compagnies de Périgueux et de Châteauroux et insuffisance du matériel qui de surcroît ne semblait pas être entretenu régulièrement.

Intérêt pour le chercheur

Le document couvre la période 1793-1818 et n’a malheureusement pas d’équivalent pour d’autres périodes. Il peut être utile aux chercheurs pour au moins trois raisons :

  • il offre une chronologie précise des incendies (jour, heure, lieu, nom du locataire ou du propriétaire, heure de départ du sinistre, durée, nombre de pompiers) ;
  • il présente aussi les principaux courriers envoyés et reçus par la Compagnie que ce soit pour des motifs administratifs ou techniques permettant de mesurer le degré d’implication et de soutien des autorités locales ;
  • occasionnellement il fait aussi état de la cause probable de l’incendie et des dégâts en décrivant le mobilier et les objets. Certains incendies sont illustrés d’un plan permettant de voir comment les pompiers procédèrent.

Ce document trouve un complément intéressant sous la cote 1 J 528 avec un mémoire intitulé « Ouvrage sur les incendies » également signé du sieur Deville alors qu’il était responsable des incendies à Paris. Il s’agit d’un traité technique recensant les types de feu, les conditions propices à leur déclenchement et la façon la plus efficace de les combattre. L’exposé est enrichi de plans précisant l’emplacement des pompes et des lances lors des interventions, constituant ainsi une première méthodologie de lutte contre les incendies.

Dossier préparé par Alain Dubreuil.

En savoir plus :

1 J 529. – Rapports sur les incendies qui ont eu lieu à Limoges. 1 pièce isolée et 1 registre manuscrit de 401 pages. 1793-1818

1 M 246. – Grands incendies de Limoges (1861-1867).

1 M 279-249. – Rapports sur des incendies qui ont eu lieu dans le département (1854-1900).

DUCOURTIEUX (H), « L’incendie de Limoges », in Almanach du Limousin, Limoges, 1865, p. 1-64 (cote IL 106).

DEVOYON (J-L), Naissance des Pompiers de Limoges, 1999, 184 p. (cote In 4 L 153).

LEVET (J), Histoire de Limoges. Des origines à la fin de l’Ancien régime, 1974, 296 p. (cote IJ 410-1).

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