La construction de la ligne de chemin de fer Limoges-Brive (31 Fi 7)

Inventaire consultable en ligne.  

Nous sommes dans le dernier quart du XIXème siècle : le réseau ferroviaire est alors géré par six grandes compagnies concessionnaires, celles du Midi, de l’Ouest, du Nord, de l’Est, la compagnie Paris-Lyon-Méditerranée et la compagnie Paris-Orléans (concession créée en 1838) dont relève le département de la Haute-Vienne. Plusieurs lignes ont vu le jour dans les environs de Limoges au cours des années 1860 et 1870 : ligne Limoges-Périgueux en 1861, ligne Limoges-Poitiers en 1867, ligne Limoges-Angoulême en 1875. L’intervention de l’Etat s’affirme par le plan Freycinet, en 1879, puis par le plan Jules Ferry en 1883. Les compagnies gardent leur indépendance et la concession du réseau déjà créé. En échange, elles s’engagent à poursuivre le développement du rail, moyennant des emprunts garantis par l’Etat.

Depuis 1875, une liaison existe entre Limoges et Brive via Nexon (une voie unique entre Nexon et Brive). Mais un projet plus conséquent, une liaison Paris-Toulouse via Uzerche et Brive, est déclaré d’utilité publique par la loi du 22 juillet 1881. C’est l’ingénieur des Ponts et chaussées, Adolphe Godin de Lépinay (natif de Lissac-sur-Couze en Corrèze), auteur de l’étude du tracé de la ligne de chemin de fer Paris-Orléans, qui oeuvre au tracé de la ligne Limoges-Toulouse via Uzerche et Brive.

La longueur de la ligne à double voie Limoges-Brive par Uzerche est d’environ 94 km dont 43 sont situés en Haute-Vienne et 51 en Corrèze. Les travaux nécessaires à sa réalisation sont conduits par l’ingénieur en chef Daigremont sous la responsabilité du ministère des Travaux publics/service des Ponts et chaussées. Lancés en 1885, ils sont achevés en 1893 et la ligne est inaugurée le 1er juillet de la même année.

Son tracé débute à la sortie de la gare de Limoges, s’engage dans le long tunnel sous la ville puis aborde le viaduc de la Vienne. La ligne franchit ensuite le contrefort séparatif des vallées de la Valoine par le viaduc de la Pélisserie, s’élève ensuite sur le contrefort de la vallée de la Briance, longe la rive droite de cette rivière en desservant les gares de Solignac-Le Vigen, poursuit par le viaduc du Vigen puis ceux du vallon de Mallefond, du vallon de Jallard, celui sur la Roselle. Elle dessert la gare de Pierre-Buffière où elle franchit le viaduc sur la Briance, puis les gares de Magnac-Bourg et de Saint-Germain-les-Belles, passe par le viaduc au-dessus de la petite Briance, descend dans la vallée de la Farge par un viaduc, dessert les gares de Masseret, Salon-la-Tour, Uzerche.

Après Uzerche, elle descend sur 45 km vers Allassac en passant par Vigeois et Estiveaux. 13 tunnels courts et rapprochés lui permettent de franchir les gorges de la Vézère (Vigeois, Viallevaleix, Gratterogne, Petit et Grand Bleygeat, Theil n° 1 et 2, Cabirol, Comborn, Freyssinet, Biard, Pouch et Saillant) ainsi que plusieurs ponts et viaducs (pont du Brézou, pont de Freyssinet, pont du Pouch). Au niveau d’Allassac, le paysage s’ouvre pour aboutir au bassin de Brive après avoir emprunté le viaduc du Clan, le viaduc du Maumont et le viaduc de la Corrèze.

Sur l’ensemble de son tracé, la ligne dessert 14 gares (hors les gares de départ et d’arrivée), comporte 10 viaducs, 5 « grands ponts », 15 souterrains.

L'album présenté ici a été récemment acquis par les Archives départementales lors d'une vente aux enchères. Il s'agit de l'exemplaire réalisé pour Victor GUILLAUME, ingénieur des ponts et chaussées. On trouve sa trace dans des documents administratifs de la même époque, où il est cité comme ingénieur ordinaire pour les lots 9 à 12 ainsi que pour le raccordement de Brive, les travaux métalliques, les acquisitions de terrains et le contrôle des travaux de superstructure. 

L’album se compose de 50 planches cartonnées sur lesquelles sont collées des photographies en noir et blanc, de format égal (23 x 17 cm), dont l’auteur est inconnu. Parmi celles-ci, les photographies n° 30, 31, 32 et 33 illustrent le tunnel de Pouch et le pont devançant l’entrée sud de ce tunnel. Situé sur la commune d’Estiveaux, la longueur du tunnel, construit entre 1890 et 1892, est de 157 m.

Le 15 décembre 1908, il fut le théâtre de la première grande catastrophe ferroviaire et tunnelière en France. Ce jour-là, un long convoi de wagons chargés d’alcools et de charbon quittait la gare de Brive en direction de Limoges. Au niveau de la montée d’Estiveaux, 38 wagons se détachèrent et repartirent en marche arrière. A une vitesse de 90 km/heure, ils percutèrent un train de voyageurs, parti également de Brive et venant d’entrer dans le tunnel du Pouch. Sous le choc, la locomotive du train de voyageurs fut soulevée et projetée contre la voûte du tunnel. Ses wagons en bois s’encastrèrent les uns dans les autres et les wagons de marchandises prirent feu, transformant le tunnel en fournaise. Le lieu étant très isolé, les équipes de secours ne furent sur place que deux heures plus tard. Mais ils restèrent impuissants pendant les deux jours que dura l’incendie. On dénombra au moins 15 morts et une trentaine de blessés. La mort du chauffeur du train de voyageur, coincé sous sa machine en proie au feu et suppliant qu’on abrège ses souffrances, fit l’objet d’un débat dans la presse sur le sujet de l’euthanasie (voir par exemple Le Petit Journal, supplément du dimanche, 3 janvier 1909). A la suite de cette catastrophe soulignant l’insuffisance des systèmes de freinage, la fragilité des attelages, la mauvaise organisation des secours, Léon Betoulle, alors député de la Haute-Vienne, interpella le ministre des Travaux publics (voir le Journal officiel du 28 mai 1909).

Dossier préparé par Anne Barny

31 Fi 7/39
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