Circonscription et cadres judiciaires
Plusieurs sources du droit coexistaient sous l’Ancien Régime : le pouvoir législatif du roi, incontesté mais non illimité, le droit canonique, dont le champ était bien plus étendu qu’aujourd’hui, la coutume et le droit écrit.
La France était divisée en deux grands régimes juridiques : les pays de droit coutumier au Nord, les pays de droit écrit dans le Midi. La coutume était à l’origine un droit non écrit, tirant son autorité de l’usage fondé sur le consentement de la population, et suivi durant un temps immémorial ; les coutumes furent mises par écrit au XVIe siècle à l’initiative du pouvoir royal. Au sud d’une ligne allant de La Rochelle à Genève, le droit romain ou droit écrit s’était imposé depuis le XIIe siècle et jouait le rôle d’une sorte de coutume générale. L’actuel département de la Haute-Vienne se trouvait à cheval sur la frontière séparant les pays coutumiers des pays de droit écrit : les sénéchaussées de Bellac, Limoges et Saint-Yrieix se trouvaient en pays de droit écrit, celle du Dorat était régie par la coutume de Poitou, et celle de Montmorillon pour partie par les coutumes de Poitou et de Berry.
Carte - droit coutumier et droit écrit ci-contre.
Les juridictions royales d’ordre local étaient dites juridictions inférieures (les juridictions seigneuriales étaient quant à elles dites subalternes). Les prévôtés étaient les plus petites de ces juridictions. Leurs attributions ont été fixées par l’édit de Crémieu de 1536 : les prévôts exerçaient la juridiction gracieuse et connaissaient en première instance de toutes les affaires civiles et criminelles de leur ressort, sauf les causes concernant les nobles, les cas royaux et quelques causes privilégiées. Elles pouvaient recevoir des appels de petites juridictions seigneuriales. À l’échelon immédiatement supérieur, les bailliages ou sénéchaussées (les deux termes sont équivalents, celui de sénéchaussée étant plus fréquent dans le Midi), apparus à la fin du XIIe siècle, avaient une compétence civile et criminelle, en première instance et en appel. Ils ne jugeaient qu’à charge d’appel aux juridictions supérieures, présidiaux et parlements. A la fin du XVIIe siècle, ils furent autorisés à juger en dernier ressort les causes n’excédant pas 40 livres. Le territoire de la Haute-Vienne relevait de six sénéchaussées : Limoges, Le Dorat, Bellac (secondaire), Saint-Yrieix, Guéret et Montmorillon (secondaire). De nombreuses paroisses relevaient de plusieurs sénéchaussées.
Les présidiaux, créés en 1552 par Henri II en tant que degré de juridiction intermédiaire entre les sénéchaussées et les parlements, connaissaient au criminel des cas prévôtaux, délits et crimes commis par les gens de guerre et vagabonds sur les grands chemins ; au civil, ils jugeaient en dernier ressort les affaires inférieures à 250 livres. Limoges était le siège d’un présidial, dont le ressort couvrait la plus grande partie du département actuel. Cependant, au XVIe siècle, Bellac, siège depuis 1572 d’une sénéchaussée secondaire, ressortissait au présidial de Limoges au civil et de celui de Poitiers au criminel (celui de Limoges obtint de juger toutes les affaires en 1578). En 1636, le ressort de la sénéchaussée de Bellac est rattaché au présidial de Guéret.
Carte des sénéchaussées ci-contre.
Les juridictions les plus élevées de la justice royale étaient les parlements, au nombre de 13 à la veille de la Révolution. Ils exerçaient dans leur ressort la justice en dernière instance. Toutes les juridictions inférieures de droit commun (prévôtés, bailliages et sénéchaussées, présidiaux) en relevaient en appel, ainsi que certaines juridictions spécialisées. Les parlements étaient également des juridictions souveraines d’exception jugeant les causes réservées touchant la personne du roi et le domaine de la couronne. Ils avaient également dans leur ressort des compétences de police générale (police, maintien de l’ordre, réglementation des jeux, du port d’armes, enseignement, administration municipale, etc.). Les sénéchaussées de la Haute-Vienne ressortissaient en appel de deux parlements : celui de Paris pour les sénéchaussées du Dorat, de Bellac, de Guéret et de Montmorillon ; celui de Bordeaux pour les sénéchaussées de Limoges et Saint-Yrieix.
Carte des parlements ci-contre.