Jean-Baptiste Jourdan (1762-1833) ou l'éternel retour
Après chaque échec, Jourdan revient à Limoges où il est né en 1762.
Son père est venu s'établir à Limoges, pour y épouser la fille d'un chirurgien, comme il l'est lui-même. Deux ans après la naissance, la mère décède et le père confie l'enfant à l'un de ses frères, curé près d'Aix-en-Provence.
Premier départ de Limoges pour près de vingt ans. Jourdan étudie chez son oncle, travaille chez un autre oncle à Lyon, puis à seize ans s'engage pour combattre en Amérique dans les troupes de La Fayette. Six ans plus tard, c'est le premier retour à Limoges, vers 1784. Il déniche un emploi de commis chez un commerçant en tissus dont il épouse la belle-soeur. Il s'installe ainsi à son compte dans une petite mercerie. Le commerce prospère, la famille aussi. En 1789, les époux font baptiser le premier de leurs six enfants. Jourdan a d'autres aspirations et il fait partie des membres fondateurs de la Société des Amis de la Constitution. Deux mois après, il devient un des deux capitaines des gardes nationaux.
Un an plus tard, en 1791, il repart. Survient alors la déclaration de guerre à l'Autriche. Son bataillon prend part aux premières opérations, notamment à Jemmapes, où il reçoit le baptême du feu. Suite à l'épuration des officiers non républicains, provoquée par la trahison de Dumouriez passé à l'ennemi, Jourdan gravit les plus hauts grades : colonel, général de brigade, général de division, puis commandant en chef de la plus importante armée française. Hondschoote, Neerwinden, Wattignies, des victoires certes, mais Jourdan n'ignore pas que tous ses prédécesseurs à l'armée du Nord ont été guillotinés ou ont pris la fuite. Pour réussir, c'est-à-dire pour survivre, il adopte une attitude d'obéissance absolue au Comité de Salut public. Cependant, en 1794, le Comité s'irrite de son inaction et le destitue. C'est le deuxième retour à Limoges, et le repli dans la mercerie. Mais, hormis les fils, les rubans, une campagne de réhabilitation semble porter ses fruits, puisque le 10 mars 1794 il est réintégré comme commandant en chef de l'armée de Moselle.
Troisième départ, Jourdan ayant eu à peine le temps d'exposer son habit militaire, suspendu à un clou dans la mercerie. C'est à ce moment qu'advient la victoire de Fleurus, nette, claire, sa principale victoire militaire.
Après des échecs militaires répétés en 1795 et 1796, il est relevé de son commandement et de nouveau rendu à la vie civile.
Troisième retour à Limoges, car c'est chez lui devenu un réflexe, pour regagner par la politique ce qu'il vient de perdre sur le plan militaire. En 1797 il est élu au Conseil des Cinq Cents et, fidèle à ses engagements, il siège parmi les députés jacobins. En 1798, il fait voter la loi de conscription militaire qui institutionnalise la levée en masse.
Après cette date, il finit par se rallier à Bonaparte après le coup d'état du 18 brumaire. Il tente un quatrième puis cinquième retour
Limoges, pour être élu sénateur mais en vain... Il est alors nommé ambassadeur en Piémont, maréchal en 1804, commandant en chef de l'armée d'Italie et enfin conseiller auprès de Joseph à Naples puis en Espagne. Après 1814, il suit le vent : il se rallie à Louis XVIII, puis à Napoléon... ; nommé ensuite Pair de France, il se rallie à Charles X, puis à Louis-Philippe, qui le nomme gouverneur des Invalides où il est inhumé en 1833.
(extrait de Figures de la Haute-Vienne au temps de Napoléon, Limoges, Conseil général de la Haute-Vienne - Archives départementales, 2004).
- A. FRAY-FOURNIER, Le club des Jacobins de Limoges (1790-1795), Limoges, 1903 ;
- R. VALENTIN, Le Maréchal Jourdan, Paris-Limoges-Nancy, 1956.